1948 TUCKER

Preston Tucker, ingénieur, a travaillé chez Chrysler, Ford, Cadillac, Studebaker et Pierce Arrow. Il collabore également avec Miller en 1926 pour la mise au point des voitures de courses « Miller Specials » à traction avant.
Tucker ambitionne de réaliser la voiture la plus révolutionnaire de tous les temps et accumule des études pendant 15 ans pour le prototype. Constat : les voitures américaines sont dangereuses, lourdes, trop gourmandes et irrationnelles. Tucker est préoccupé par la sécurité active et passive et prétend faire avancer la technique automobile de 20 ans.
Il fait paraître une publicité dans les journaux en 1945 pour trouver des investisseurs pour son projet. La campagne réussit et Tucker peut louer les usines Dodge de Chicago qui avaient servi à la fabrication des moteurs des Forteresses volantes pendant la guerre, inutilisées depuis la fin du conflit. Ces installations de grande taille sont suffisantes pour la production des 1000 véhicules/jour espérés. Tucker réussit à tenir le public en haleine grâce à ses campagnes de presse en attendant la présentation du prototype.
Prototype réalisé en 100 jours.
Le prototype « Tin goose » est présenté à 5000 personnes en juin 1947 à l’usine Tucker de Chicago, Ill. (USA). Les invités sont accueillis à 9 heures du matin et la voiture (rouge foncé) n’est présentée qu’à 16h30 suite à des problèmes de dernière minute : réglage des soupapes, remplacement du système d’injection par des carburateurs, changement des bras de suspensions sur les 4 roues, colmatage d’une fuite d’huile provoquant un début d’incendie, mais obtient un succès final auprès du public avant l’introduction des actions de la firme en bourse.

La 1ère Tucker, « tin goose » est présentée le 17 juillet 1947 à la presse à New-York, avec pour slogan : « la seule automobile vraiment nouvelle depuis 50 ans » Tucker espère vendre la voiture en dessous de US$ 2500.
Les premiers articles décrivent une voiture avec injection d’essence (1ère dans l’industrie automobile) l’essence s’enflamme à 210°C et les gaz sont envoyés dans les cylindres via une pompe basse pression. Le moteur en aluminium de 9,6 litres de cylindrée rend place en position transversale arrière. Le bloc est fixé sur le châssis par 4 boulons. Les pistons sont en aluminium et les chemises de cylindres en acier.
Ce moteur flat six reçoit une distribution par soupapes en tête à commande hydraulique actionné par la pression d’huile. Il est étudié pour une durée de vie de 300000 km développe 150 chevaux à 1800 tours. Le bloc est étudié entre autres par Eddie Offut (futur fabriquant des moteurs de course Offenhauser).
Boîte de vitesses automatique et freins à disques sur les 4 roues, ceintures de sécurité aviation à l’avant, suspensions indépendantes à l’avant et à l’arrière, direction centrale, batterie 24 volts, les voitures de série retournant à des batteries 6V
La réalité fait cependant appel à des solutions plus classiques. Le moteur aluminium est en abandonné au profit d’un bloc Franklin équipant des hélicoptères.
La transmission automatique est également abandonnée, remplacée par une boîte de vitesses pré-sélective dérivée de la Cord 810 de 1936, de même que la direction centrale, les freins à disques et les ceintures de sécurité.
Le 1er modèle de production est présenté au printemps 1948 et la production cesse en juin 1948 après 51 voitures fabriquées.

Moteur :
6 cylindres opposés à plat en H de 335 ci fourni par Franklin, modèle ALV-335. Il est placé en position transversale, à cheval sur l’essieu arrière, et fixé sur un faux-châssis par 4 boulons (6 pour l’ensemble moteur-boîte) permettant le démontage de l’ensemble en moins d’une heure. Poids 250 kg.
Distribution par soupapes en tête entraînées par tiges et culbuteurs.
Alimentation par 1 carburateur vertical Marvel-Schebler MA-3SPA, compresseur mécanique.
5473 cm3 (114,3×88;9) comprimé à 7,0 :1.
150 chevaux SAE à 2700 tours, 55,3 Mkg à

Transmission :
Boîte de vitesses Tucker Type Y-14 transmettant le mouvement aux roues arrières. Tucker part de la transmission à 4 rapports des Cord 810/812 revue par Ypsilanti qui ne s’avère pas fiable. Il fait alors appel à Warren Rice, concepteur de la transmission automatique Buick Dynaflow. Rice dessine une boîte de vitesses automatique « Tuckermatic » à convertisseur de couple et embrayage centrifuge capable de supporter la puissance et le couple du moteur Franklin. Levier de vitesses au volant avec uniquement choix entre marche avant, arrière ou point mort.

Châssis :
Châssis en tubes d’acier soudés. Tucker attache une grande importance à la sécurité passive. Le Torpédo bénéficie d’un arceau intégré dans le toit et le châssis est protégé par une structure périphérique, le pare-brise en verre feuilleté est étudié pour gicler vers l’avant en cas de choc. De même la boîte à gants est remplacé par une zone d’absorption de chocs, les rangements étant rejetés dans les contreportes.
Carrosserie dessinée par Alex Tremulis suivant les consignes de Tucker : originalité, révolution, provocation. Ligne à ailes décrochées, pas de calandre mais un avant effilé avec phare orientable en son centre. Arrière fastback. Portières découpées dans le toit pour faciliter l’accès à l’intérieur.
La carrosserie est réalisée en aluminium pour limiter le poids.
2 maquettes grandeur nature en argile sont soumises à Tucker qui sélectionne les caractéristiques des deux modèles pour faire la carrosserie définitive, le prototype Tin Goose à caisse en acier est achevé le 19/06/1947, Cx 0,30. Nouveautés : grilles d’aération intégrées aux pare-chocs avant, phare central orientable, pare-chocs débordant latéralement, portières autoclaves, flancs entièrement lisses.
La berline « Torpedo » constitue la base d’une gamme complète, un cabriolet est projeté pour 1950, ainsi qu’un véhicule compact basé sur le prototype italien Cemsa Caproni à traction avant étudié par Antonio Fascio.

Traitement intérieur innovant avec bloc compteur autour duquel sont groupées les commandes principales, ensemble dans l’axe du volant faisant fonction de tableau de bord. Le reste de la planche de bord est constitué par une cloison garnie de moquette et surmontée d’un épais rembourrage. Nombreuses autres innovations : cellule photo-électrique pour passer de codes en phares en cas de croisement avec une autre voiture. Intérieur revu pour augmenter l’habitabilité, le confort et la sécurité : commandes essentielles regroupées derrière le volant pour un maniement rapide du bout des doigts ; pare-brise « Securit » conçu pour s’éjecter de lui même en cas de décélération trop brutale.

Suspensions à 4 roues indépendantes avec ressorts en aluminium soutenus par des tampons en caoutchouc. Système du type « Torsilactic » (brevet Goodyear) à leviers oscillants.

Freins :
Nouveau système inspiré des techniques aviation.
Disque en aluminium placé entre 2 surfaces de contact crantées et circulaires. Ce dispositif permet une répartition du freinage sur toute la circonférence du disque avec une efficacité supérieure de 60% aux dispositifs classiques (source usine). Les voitures de série seront finalement équipées de freins à tambours à commande hydraulique.

Direction :
Vis et secteur.
Boîtier de direction placé derrière l’axe des roues avant pour protéger les passagers en cas de choc frontal. Colonne de direction de Lincoln Continental 1941.

Evolution :
1950 : Un groupe d’anciens concessionnaires et d’investisseurs projette de reprendre la fabrication de la Torpédo dans une ancienne usine Graham Paige de la côte ouest.
1953 : Alex Tremulis étudie un projet de coupé fastback surbaissé pour Tucker, la Tucker Talisman, sans suite.
1956 : Mort de Preston Tucker alors qu’il travaillait encore sur un projet de voiture de sport « Carioca » qu’il voulait produire au Brésil.