La société l’Aluminium Français se lance dans l’étude d’un prototype « R » à partir de 1943. Le cahier des charges précise que la voiture doit être un véhicule à 5 places performante, économique à l’emploi, confortable et sûre. Le projet reprend les concepts de l’ingénieur Grégoire (polytechnicien qui a déjà travaillé sur un prototype Géphi à traction avant pour Tracta en 1926) avec une aérodynamique soignée.
Grégoire retient la forme en goutte d’eau qui va imposer la répartition des places des occupants avec un report à l’avant de la banquette la plus large pour loger 3 personnes à l’avant et 2 à l’arrière. Grégoire étudie la carrosserie avec M. Sédille, directeur des Etablissements Rateau et professeur à l’Ecole Centrale, spécialiste de la mécanique des fluides pour trouver un meilleur écoulement d’air externe et interne (étude des entrées et extractions d’air de refroidissement). Les études aboutissent à la réalisation de maquettes testées en soufflerie, la 1ère forme ressemble à la Dyna Panhard avec un Cx de 0,43, avant une 5e maquette définitive avec Cx de 0,20.
La disposition des organes et l’architecture mécanique suivent l’expérience acquise avec le prototype Delphi : roues avant motrices et moteur reporté en avant de l’essieu avant. La mécanique prend place dans une carcasse en Alpax fondu composée de plusieurs éléments recevant des suspensions inédites à 4 roues indépendantes, des freins à tambours à commande mixte, hydraulique à l’avant et mécanique par câbles à l’arrière (modifié sur les voitures de production avec l’adoption d’un système hydraulique Bendix). Moteur Grégoire 2 litres carré, 1998 cm3 (86×86), 64 chevaux à 4000 tours, 13,7 Mkg à 2000 tours.
La construction du prototype M (voiture Moyenne) puis R est financée par l’Aluminium Français, (30 millions de francs en janvier 1946) avec pour but le développement d’une voiture utilisant beaucoup d’aluminium à proposer à un grand constructeur.
Grégoire est en contact avec Maurice de Gary ancien directeur financier de Peugeot, à la tête de Hotchkiss en 1946 (Peugeot est un des principaux actionnaires de Hotchkiss). Un groupe formé de Peugeot, Electrabel (belge) et Crédit Commercial de France est formé afin de faire fabriquer le prototype Grégoire par Hotchkiss qui doit de toutes façons renouveler sa gamme.
Hotchkiss accepte de produire le prototype R à partir du début des années 1950. Le prototype reçoit la médaille d’or de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale en juillet 1949, permettant d’obtenir 1 milliard de crédit auprès des banques pour organiser la production en série.
La voiture finale reçoit une nouvelle calandre revue dans un style conforme à Hotchkiss, ailes redessinées, plus fuyantes, arrière affiné et allongé, empattement porté de 2,45 à 2,50m (modifications en 1950). Grégoire veut définir une ligne plus harmonieuse et contacte le chef carrossier de Hotchkiss pour améliorer le dessin, sans succès. Grégoire veut ensuite confier son projet à Pininfarina mais renonce, faute de temps.
Grégoire entre au Conseil d’administration de Hotchkiss avec 6% des actions, ainsi qu’Aluminium Français. La nouvelle voiture est testée sous contrôle officiel de l’ACF et présentée officiellement au Salon de Paris 1951.
La voiture du Salon est équipée de freins hydrauliques Bendix et le moteur est réalésé à 2190 cm3 pour une puissance de 70 chevaux (+6). Le modèle définitif reçoit une calandre Hotchkiss et abandonne les 2 vitres de custode.
Moteur :
Positionné à l’extrême avant du châssis, en porte-à-faux devant l’essieu avant
Le moteur est étudié par Grégoire qui projette une architecture de double flat-twin, 4 cylindres opposés à plat, refroidi par eau, avec un bloc en fonte et des carters ainsi que des culasses en aluminium.
Cylindres en fonte, bielles en duralumin.
Lubrification sous pression, contenance du carter 6 l.
Refroidissement par eau par pompe et thermostat, capacité du circuit 13 l.
Distribution par un arbre à cames central entraîné par chaîne et 2 soupapes par cylindre, en tête.
Alimentation par un carburateur vertical Solex 32 avec réchauffage utilisant la moitié des gaz d’échappement, pompe à essence électrique.
Refroidissement par eau.
Allumage avec point fixe sans courbe de retard ou d’avance automatique ou manuelle.
2188 cm3 (90×86).
70 chevaux à 4000 tours.
Transmission :
Traction avant.
Boîte de vitesses accouplée au moteur et comprenant le différentiel.
4 vitesses avec 1ère et 4e non synchronisées. 4e vitesse surmultipliée enclenchée par petit levier autonome que l’on doit ramener contre le levier de vitesses et disposer l’ensemble en 2de.
Châssis :
Carcasse en Alpax composée d’un auvent monobloc reprenant l’encadrement du pare-brise et la cloison moteur (45 kg) qui reçoit les autres pièces qui lui sont boulonnées, support avant, sorte d’entretoise permettant la fixation de la mécanique et des suspensions, pièce fondue en alliage APM (12 kg) et 2 longreons en arrière de l’auvent en Alpax (9 kg chacun) faisant office de bas de caisse et prolongés par 2 longerons arrières en Alpax (5 kg chacun) supportant le soubassement de la caisse et la suspension arrière. Structure très rigide par utilisation de nervures, poids 95 kg. La voiture reprend le principe utilisé lors du Concours de la Société des Ingénieurs de l’Automobile de 1934, expérimenté par Grégoire sur l’Adler Junior en 1935.
Les suspensions reprennent les études de l’AF-Grégoire (prototype de la Dyna Panhard) à flexibilité variable.
Suspension avant par roues indépendantes à triangles superposés transversaux, ressorts hélicoïdaux à flexibilité variable (brevet Grégoire), amortisseurs hydrauliques Houdaille.
Suspension arrières par roues indépendantes constituées de 2 bras en alliage léger articulés dans le sens de la longueur à l’extrême arrière des bas de caisse, reliés entre eux par une barre de torsion transversale servant de stabilisateur antiroulis. Le ressort hélicoïdal à flexibilité variable Grégoire travaille en traction et en compression; il est placé entre chaque bras et le bas de caisse. La flexibilité de 65mm pour 100 kg avec 1 passager descend à 50mm pour 100 kg avec 4 passagers, amortisseurs hydrauliques Houdaille.
Suspension avant avec roues indépendantes par bras superposés et ressorts transversaux. Système antiroulis utilisant un ressort hélicoïdal à pas variables coincé entre les prolongements des bras supérieurs et agissant comme des basculeurs de Formule 1. Amortisseurs hydrauliques à bras Houdaille travaillant par l’intermédiaire de longues tiges servant de renvois à l’avant et à l’arrière.
Ligne en goutte d’eau (Cx : 0,36).
La voiture dispose de 3 places à l’avant avec un dossier de conducteur réglable indépendant et une banquette pour les 2 autres occupants.
Freins :
Tambours à l’avant et à l’arrière en aluminium fretté de fonte. Surface de freinage : 1008 cm².
Commande hydraulique Bendix.
Direction :
Crémaillère fonctionnant suivant une géométrie permettant d’éviter les pincements et ouvertures parasites lors des débattements des suspensions. Les biellettes et les rotules sont exactement superposées sur les bras supérieurs de suspension permettant aux articulations de suivre tous les mouvements verticaux sans influence sur l’épure.
Rayon de braquage : 4,08m.
Volant Quillery.
Evolution :
9/1951 : Avant la présentation officielle du modèle, Hotchkiss annonce qu’il ne dispose plus des liquidités suffisantes pour poursuivre le programme de fabrication de la série. Pechiney propose un prêt ponctuel de 35 millions et le Crédit Commercial consent des facilités bancaires.
1952 : Salon de Paris : Présentation d’un coupé et d’un cabriolet dérivés à carrosseries Chapron.
1954 : Arrêt de fabrication de la Hotchkiss Grégoire qui se vend mal. Hotchkiss se retire alors de la production automobile après une dernière tentative de fabriquer la voiture avec une carrosserie de Renault Frégate, sans lendemain.
1955 : Grégoire décide de fabriquer la Sport à la suite d’un essai de Hotchkiss Grégoire munie d’un compresseur Constantin avec une surpression 300 gr/cm² développant 120 chevaux à 4500 tours. Grégoire travaille sur ce projet depuis le début de l’année 1952.
Le 1er exemplaire achevé durant le 3e trimestre 1955 est carrossé par Chapron pour une présentation officielle au Salon de Détroit, Mich. (USA).
Le moteur développe 125 chevaux à 4500 tours pour un couple de 22 Mkg à 2500 tours, avec un taux de compression de 6,5 :1. Alimentation par un carburateur double corps Solex 35PHH horizontal
Rapports de boîte : I.: 4,05 :1; II.: 1,91 :1; III.: 1,46 :1; IV.: 1,12 :1.
Rapport de pont : 2,91 :1.
Disques avant et arrière, surface de freinage 555 cm², commande hydraulique. Pneus 185×400.
1958 : Arrêt de production, prix trop élevé.