1953-1962 CHEVROLET CORVETTE


Le début de la réflexion d’Earl sur le concept d’une voiture de sport pour concurrencer les XK120 remonte à 1951. Le projet est confié à l’ingénieur Robert Mac Lean avec le cahier des charges suivant : simplicité de fabrication, pas chère à fabriquer, carrosserie fibre de verre. La carrosserie est crée à partir de la partie arrière avec une poupe inspirée de la XK120 (la Corvette reçoit d’ailleurs un empattement identique celui de la Jaguar : 2,59m) et des sièges placés presque sur l’essieu arrière. Philippe Charbonneaux, qui effectue un stage à Detroit à cette période travaille également sur la ligne de la voiture, certains de ses dessins inspirant le style général de la Corvette. Une maquette en plâtre est présentée à Harlow Curtice (PDG GM), Keating (PDG Chevrolet) et Edward Cole (Ingénieur en chef) et le projet est approuvé avec pour objectif d’être prêt pour le Mororama de janvier 1953. Le style intérieur est réalisé en grande partie par Joe Schemansky et le châssis étudié par Maurice Olley sous le nom de la filiale Opel pour déjouer la concurrence. Le moteur Blue Flame est aussi revu par Edward Cole. Le projet est conduit par Harley J. Earl, responsable du style GM, avec Ed Cole et Bob Mc Lean avec un budget réduit imposant l’utilisation du moteur 6 cylindres 3,8 litres Blue Flame. Le nouveau modèle à recourt à une carrosserie en fibre de verre (1ère mondiale en production de série), ce qui évite l’utilisation de matrices chères et impossible à rentabiliser pour des petites séries. Cette solution abaisse également le poids tout en augmentant la résistance. Ce procédé est mis en oeuvre suite à la rencontre de Harley J. Earl avec le major Kenneth Brooks en 1950. Brooks a fait carrosser la Jeep de sa femme en spider par la société Glasspar de Montecito (Calif., USA) utilisant un nouveau matériau : le Glass Reinforced Plastic ou Fiberglass qui ne nécessite pas de presses et ne rouille pas. Quelques exemplaires de cette voiture seront commercialisés par le Major Brooks sous le nom de Brooks Boxer puis Alambic 1 et présentée à Earl qui est rapidement convaincu des possibilités de ce matériau. Chevrolet présente un prototype de voiture sportive EX-122 au Motorama de New-York City (USA) en janvier 1953 à l’hôtel Waldorf Astoria. La voiture prend place sur le stand General Motors sous forme de maquette sans mécanique. et à pour ambition de concurrencer les productions européennes. Nom de code : Corvette. Le projet rencontre un succès auprès du public et Chevrolet prend la décision de commercialiser la Corvette..
Une série de 15 voitures est fabriquée manuellement avec des carrosseries en fibre de verre pour des besoins de promotion et de développement et prennent des n° de châssis commençant par S.O. (Special Order). Le premier prototype est présenté à l’hôtel Waldorf Astoria de New-York City (USA) en janvier 1953, d’autres voitures sont présentées dans le cadre des Motorama : Corvair (S.O. 2071), Nomad (S.O. 1954), Hardtop (S.O. 2000). La plupart de ces prototypes sont détruits ou réutilisés pour des études postérieures.
La production en série débute à partir du 30 juin 1953. La première voiture sort des chaînes en juin 1953 mais aucun élément électrique ne fonctionne car toutes les masses du faisceau électrique sont branchées sur le plastique de la carrosserie, non conducteur. Une première série de 300 voitures est mise en chantier une fois le problème résolu. Les premières versions n’ont pas de vitres latérales coulissantes, remplacées par des micas placés dans des rainures ni de poignée de porte extérieure, l’ouverture des portes se fait par un loquet accessible par le déflecteur et actionnant une tirette intérieure. La Corvette est uniquement disponible en blanc avec intérieur rouge vif.

Moteur : 6 cylindres Blue Flame équipant les camions GMC depuis 1941, entièrement en fonte.
Vilebrequin en acier forgé tourillonnant sur 4 paliers, pistons aluminium (1ère chez GM).
Refroidissement liquide par pompe à grand débit et ventilateur.
Distribution avec nouveau profil d’arbres à cames, poussoirs de soupapes mécaniques en place des poussoirs hydrauliques avec double ressorts de soupapes.
Alimentation par 3 carburateurs Carter horizontaux sur le côté de la culasse et nouveau collecteur double.
3859 cm3 (90,5×100), taux de compression porté à 8 au lieu de 7,5 :1.
Puissance passant de 106 sur les camions à 152 chevaux SAE à 4200 tours, 30,8 Mkg à 2400 tours.

Transmission :
Boîte automatique GM-Powerglide à 2 rapports, levier au plancher, la boîte manuelle à 3 rapports est jugée trop fragile.

Châssis :
Conception Maurice Olley qui réalise une structure très basse avec 2 poutres formant cadre lui même renforcé par 2 longerons principaux en X.
Carrosserie roadster en résine armée de fibre de verre fabriqué par la société Molded Fiberglass Company, Ashtabula (Ohio, USA). Assemblage de la carrosserie dans la nouvelle usine de Flint (Mich., USA). La caisse est formée à partir de 62 moules, poids 186 kg.
Finition assez luxueuse avec présentation intérieure soignée : visières symétriques, raccordement de la planche et des portières, peinture bi-colore, poste de radio d’abord prévu en option finalement livré en série pour simplifier les plannings de production.


Suspensions avec roues avant indépendantes avec triangles superposés en tôle, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs télescopiques renforcés et barre stabilisatrice.
Suspensions arrières par essieu rigide avec ressorts à lames semi-elliptqiues et amortisseurs télescopiques.

Freins :
Tambours à l’avant et à l’arrière, surface de freinage : 1019 cm².
Commande hydraulique.

Direction :
Circulation de billes. Diamètre de braquage : 10,90m.

Evolution :
1954 : La voiture se vend mal. Seul 1 candidat à l’achat sur 6 confirme sa commande en 1953 et Chevrolet doit gérer un stock de 1000 voitures en 1954.
Nouveaux coloris : bleu métallisé, rouge, noir. Quelques exemplaires en vert ou bronze métallisé. Selleries rouges ou beige, capotes beiges.
Les modèles 1954 reçoivent un nouvel arbre à cames amenant la puissance à 155 chevaux (+5). La Corvette est fabriquée dans la nouvelle usine de Saint-Louis, Missouri (USA).
Zora Artus Dunkov (né en Belgique, études à Berlin, chauffeur de camion en Russie, étudie les conversions Ardun avec son frère Youri sur base moteurs Ford, pilote chez Allard, travaille chez Porsche et Mercedes, part aux Etats-Unis en 1953) est alors sollicité pour développer la voiture. L’état-major Chevrolet lui impose un cahier des charges pour améliorer le comportement après le refus d’un lifting proposé par Ed Cole (trop cher).
1955 : Chevrolet limite la production de la Corvette à 700 exemplaires pour écouler les modèles invendus de l’année précédente et envisage même de cesser la production. La Corvette est sauvée par l’arrivée du nouveau moteur V8. Le V8 Small block 265 ci (4342 cm3) développe 160 chevaux SAE dans sa version version de base (berlines Chevrolet) et 190 avec un carburateur quadruple corps Carter disponible en option (voitures avec N° de châssis commençant par VE). Ce moteur est conçu et réalisé par Ed Cole, ingénieur en chef Chevrolet. Il est plus léger que le 6 cylindres et plus compact, avec des cotes super-carrées et se caractérise par une distribution sans d’axe de culbuteur, chaque culbuteur restant indépendant des autres et se réglant individuellement, les soupapes sont à commande mécanique ou hydraulique selon la destination. Vilebrequin sur 5 paliers en acier forgé.


1956 : Le moteur est repositionné pour améliorer la répartition des masses (48/52%). Taux de compression porté à 9,25 :1, version de base : 210 chevaux à 5200 tours, alimentation par un carburateur quadruple corps.
Option 225 chevaux et 37 Mkg à 3600 tours. Le V8 est revu par Duntov qui propose une version avec nouvelles culasses, profil d’arbre à cames modifié, nouvelle tubulure d’admission en fonte d’aluminium et 2 carburateurs quadruple corps Carter pour une puissance de 240 chevaux. Equipement électrique 12 volts (6V). Le 6 cylindres Blue Flame encore disponible en option et cette fois abandonné.
Boîte de vitesses mécanique à 3 rapports rapprochés (déjà montée en 1955 en option).
Carrossage modifié de quelques degrés pour limiter le sous-virage. Barre antiroulis et déplacement des points d’ancrage des lames de suspension arrière pour avoir un comportement plus neutre. Caisse restylée à flancs concaves semi ovales avec baguettes chromée, calandre à 13 dents de requin. Phares simples en bout d’ailes, feux arrières intégrés dans la courbure des ailes et couvercle de malle plus sobre. Glaces coulissantes, nouveau dessin de la capote, hardtop disponible en option, poignées de portes et serrures apparentes. Capotes disponibles en noir/blanc, blanc, beige/blanc, blanc/beige.

Freins à tambours ailetés améliorant le refroidissement).
10/1956 : Ed Cole, président de la division Chevrolet assigne à son ingénieur en chef Zora Arkus Duntov la tâche d’étudier une voiture de course, qui prend d’abord l’appellation X65 puis Super Sport. Duntov s’entoure d’une équipe talentueuse et motivée (ingénieurs, électriciens, stylistes, mécaniciens) installée dans le Chevrolet Engineering Center. Le projet repose sur un châssis inspiré des productions européennes contemporaines, en particulier la structure tubulaire en chrome-molybdène de la Mercedes 300 SL, pour concevoir un châssis pesant 90kg. Les suspensions font appel à des roues indépendantes à l’avant et un pont de Dion à l’arrière. Le freinage est confié à 4 tambours avec des circuits hydrauliques assistés séparés pour l’avant et l’arrière Les tambours avant sont réalisés en fonte avec des frettes aluminium et ceux de l’arrière sont positionnés in-board. Le boîtier de direction à recirculation de billes (rapport 12:1) prend place devant le train avant.
La carrosserie est fabriquée par le General Motors Styling Department dirigé par Harley J. Earl. Les caisses aérodynamiques et futuristes sont réalisées en magnésium. L’habitacles reçoit des sièges baquet, un volant à cerclage bois, une instrumentation complète ainsi qu’un arceau intégré. Les jantes en magnésium sont à fixation centrale, le réservoir en plastique de 160 l prend place derrière les sièges.

Le moteur 283 ci (4637 cm3, 98,42×76,2)reçoit une culasse en alliage léger, un arbre à cames compétition et des soupapes à commande mécaniques. La pompe à eau, le carter d’embrayage, le radiateur et le carter d’huile sont aussi usinés en aluminium. Alimentation par injection Chevrolet Ram Jet inspirée du système Mercedes, 2 pompes à essence électriques. La puissance ressort à 300 chevaux.

La puissance est transmise aux roues arrières par une boîte de vitesses entièrement synchronisée à 4 rapports rapprochés et carter de différentiel en alliage léger. Le rapport de pont standard est de 3,55 :1 (2,63 et 4,80 :1 sont aussi disponibles).
L’équipe de Duntov fabrique ainsi 2 prototypes en 5 mois, le premier utilisé comme voiture de développement et le deuxième destiné à la promotion de la Corvette et présenté dans différents salons et concessions aux Etats-Unis. Duntov envisage un engagement en course et amène les 2 voitures aux 12 Heures de Sebring 1957 mais elles sont contraintes d’abandonner suite à des problèmes de mise au point.
Après analyse de la course on décide de modifier le freinage et l’échappement, d’améliorer la ventilation de l’habitacle et du moteur en vue d’une participation aux 24 Heures du Mans finalement abandonnée.
1957 : Vitres à commande électrique.
1958 : Uniquement moteur 283ci, 4637 cm3 (98,42×76,20), La version de base dispose de 220 chevaux à 4800 tours, alimentation par 1 carburateur quadruple corps.

La Corvette peut recevoir en option une alimentation par 2 carburateurs quadruple corps donnant 245 chevaux à 5000 tours ou 270 chevaux à 6000 tours. Les versions les plus puissantes reçoivent une injection Rochester voulue par Ed Cole passé directeur général de Chevrolet et étudiée par GM. 2 versions sont au catalogue : 250 chevaux à 5000 tours ou 283 à 6200 tours avec taux de compression de 10,5 :1. Harry Barr, le nouvel ingénieur en chef, assisté de John Dolza et Zora Duntov dote la culasse de poussoirs mécaniques et renforce le sommet du bloc pour prévenir les déformations.


5/1958 : Option boîte de vitesses à 4 rapports mécanique, en fait l’ancienne Borg-Warner à 3 vitesses remaniée assortie d’un différentiel autobloquant Positraction avec 3 rapports de pont au choix.
Esthétiquement la Corvette reçoit une face avant avec double phares et des prises d’air factices.


1961 : Voitures redessinées par Bill Mitchell : Calandre à grille horizontale, entourages de phares peints, capot à deux nervures, arrière aplati préfigurant la Corvette Sting. Cloche d’embrayage et radiateur aluminium.


1962 : Nouveau moteur V8 ouvert à 90° entièrement en fonte avec vilebrequin sur 5 paliers, distribution par un arbre à cames central entraîné par chaîne et soupapes en tête actionnées par tiges et culbuteurs, la cylindrée passant à 327 ci : 5359 cm3 (101,6×82,55) disponible en plusieurs stades de puissance :


Standard : 250 chevaux SAE avec alimentation par 1 carburateur quadruple corps.
300 chevaux SAE.
340 chevaux SAE.
360 chevaux avec alimentation par injection mécanique Rochester et distribution par soupapes à commande mécanique.

Participation à la compétition :
A partir de 1956 sous l’impulsion de Duntov.

1956 : Duntov atteint 242 km/h au Daytona Speed Weeks sur une Corvette modifiée (moteur tourne à 7000 tours).
1er Groupe C du SCCA, Thomson.
1957 : La Corvette à injection est disponible en version compétition avec dispositif d’induction d’air froid et compte-tours sur la colonne de direction.
Sebring : 1er GT.


Duntov est en contact avec Briggs Swift Cunningham II, héritier de la fortune Procter & Gamble à partir de 1959. Cunningham à pour objectif une victoire aux 24 Heures du Mans. Des négociations sont finalisées le 7 janvier 1960 et l’équipe de Duntov se lance dans la préparation de moteurs de compétition à partir du 19 janvier. 3 voitures sont achevées le 16 mars 1960 pour Cunningham et vendues via le concessionnaire Don Allen Midtown Chevrolet de New-York City (USA), Chevrolet ne souhaitant pas s’impliquer directement. Ces voitures, sans radio, reçoivent des boîtes de vitesses à 4 rapports rapprochés, des suspensions et des freins renforcées, une direction plus directe, un différentiel autobloquant Positraction, une commande de radiateur à commande thermostatique. Le préparateur Momo complète les modifications avec le montage de compteurs Stewart-Warner, une goulotte de remplissage rapide Halibrand, qui fournit aussi les jantes en magnésium chaussées de pneus course Firestone. L’ensemble reçoit des amortisseurs Koni, 2 pompes à essence Bendix, une barre antiroulis avant, un réservoir 37 gallons et des prises d’air supplémentaires. Les sièges sont repris d’un avion Douglas C-47 Skytrain et la voiture reçoit un échappement latéral. De nouvelles modifications apparaissent après une série d’essais : nouveaux rapports de pont, culasse et équipements mobiles modifiés, essai de capot en magnésium.
Les voitures effectuent des essais à Sebring, Daytona, Bridgehampton puis Le Mans, toujours avec le soutien officieux de Chevrolet. Ce sont finalement 4 voitures qui seront préparées pour le circuit de la Sarthe (3 pour Cunningham, 1 engagée par le Camoradi Racing Team).

1960 : 24 Heures du Mans : N°1, Kimberley-Cunningham, Ab. (acc.), n°2, Thompson-Winbridge, Ab. (moteur), n°3, Fitch-Grossman, 8e Gl, 1er Cl.

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