Châssis et origine particuliers
Gianni Lancia reprend la direction de l’usine à la mort de son père Vincenzo en 1937. Il s’entoure d’une équipe compétente : Giuseppe Vaccarino, Vittorio Jano et Francesco de Virgilio qu’il charge de mettre en chantier un nouveau moteur en V. L’étude des moteurs en V remonte à 1922 avec le V8 à 22° de la Trikappa, ce type de moteur ayant été breveté par Vincenzo Lancia dès 1915. Le brevet met en évidence l’intérêt d’une disposition des cylindres en quinconce pour diminuer l’encombrement moteur et augmenter la résistance du vilebrequin. Une ouverture faible du V permet d’utiliser une culasse unique avec des arbre à cames en tête. Cette disposition implique un vilebrequin à 8 manetons (1 par bielle) et non 4 manetons doubles pour avoir un bon équilibrage des forces d’inertie. Cette technique permet de disposer d’angles d’ouverture différents et indépendants du nombre des cylindres avec une régularité cyclique d’un temps tous les 90°.
Ces études sont reprises par Vittorio Jano (transfuge Alfa-Roméo) en 1937 pour simplifier et retravailler la distribution de l’Aprilia. Enfin, Giuseppe Vaccarino engage Francesco de Virgilio pour étudier un nouveau moteur en V en 1943, destiné à remplacer l’Aprilia. Ce dernier met au point un bloc V8 expérimental de 1940 cm3 ouvert à 45°, non retenu mais qui servira de base à un V6 1569 cm3 (68×72), code 538.
Après déménagement des bureaux d’étude à Padoue (usines bombardées) 2 prototypes sont réalisés pour remplacer le moteur 1352 cm3 de l’Aprilia. 1 ouvert à 45°, 1 à 60° avec des cotes identiques : 68×72 donnant 1569 cm3. Un 3e bloc ouvert à 60° avec des côtes supérieures et un vilebrequin à 4 paliers régulés est aussi envisagé. Les essais se poursuivent pendant deux ans (moteur ref. 538 monté dans un châssis Aprilia).
Parallèlement Gianni Lancia décide de mettre en chantier la remplaçante de l’Aprilia qu’il veut spacieuse, confortable et bénéficiant d‘une bonne tenue de route. La voiture aura donc une caisse autoporteuse avec un train avant à roues indépendantes et reprend le principe des freins arrières accolés au pont. Elle bénéficie aussi d’une nouvelle suspension à bras tirés obliques et ressorts hélicoïdaux en place du ressort à lames transversal (brevet Lancia de 1947). La boîte de vitesses à l’arrière est solidaire du pont pour mieux répartir les masses (conception Jano). De Virgilio assisté par Ettore Zaccone-Mina finalise la mise au point du moteur qui est le premier V6 fabriqué en série. Abandon du groupe 538 ouvert à 45° pour un V à 60° qui permet d’améliorer l’équilibre et la régularité des cycles et développant 56 chevaux. Cette version définitive est montée dans la berline Aurélia B10 présentée au Salon de Turin (ITA) 1950.
La puissance passe à 70 chevaux grâce à une cylindrée portée à 1991 cm3 (72×81) à partir du Salon de Turin 1951, puis 90 ch avec le montage d’un nouvel arbre à cames et 1 carburateur Weber double corps de 40 pour la berline B21.
Lancia présente aussi un coupé Gran Turismo B20 dérivé avec la même mécanique mais rapport volumétrique relevé à 8,4 :1 avec alimentation par deux carburateurs Weber 32 DR 7SP verticaux en place du Solex et donnant 75 chevaux à 4500 tours.
Moteur :
V6 ouvert à 60° entièrement en alliage d’aluminium (seules les chemises humides rapportées dans le bloc sont en fonte).
Carter inférieur très aileté avec cloisonnage intérieur anti-barbotage et anti-déjaugeage et regard sous la crépine de pompe, monté avec joints à l’italienne (fil de laine passé en quinconce entre les boulons). Les carters supérieurs couvrant les culasses sont traités en peinture vermiculée et les collecteur d’air, pompe à eau et hélice sont en aluminium. La fonderie est couteuse à la fabrication et à l’assemblage : 2 joints de culasse en cuivre, 2 joints supérieurs en Clingerit, joints de caoutchouc en trappe de carter, joints en papier pour pompe à eau et à essence et ces nombreux plans de joints influent sur l’étanchéité.
Vilebrequin sur 4 paliers régulés à manetons décalés de 60° permettant une alternance régulière des cylindres de chaque rangée.
Refroidissement avec passages d’eau plus importants dans les culasses, pompes à haut débit, radiateur d’eau doublé d’un radiateur d’huile.
Distribution culbutée par 1 arbre à cames central au centre du V entraîné par chaîne Duplex à rouleaux, tension maintenue par un poussoir hydraulique (brevet Lancia). Soupapes longitudinales nécessitant des basculeurs montés parallèlement à l’axe longitudinal pour donner une forme hémisphérique aux chambres de combustion. Ces basculeurs sont en fonte et montés sur paliers lisses (une vérification du montage, du polissage des têtes de basculeurs et un contrôle du jeu sur leur axe est donc important pour avoir un bon fonctionnement et une bonne pression d’huile). Chaque soupape est montée avec un double ressort de rappel, une clavette « demi-lune » et un circlip pour éviter qu’elles ne tombent dans le cylindre en cas de casse des clavettes. L’arbre à cames central entraîne un arbre vertical multifonction : la partie inférieure commande la pompe à huile, la médiane un couple de pignons pour transmettre le régime moteur au compte-tours et la supérieure le distributeur.
Alimentation par 2 carburateurs Weber simple corps 32 DR7 SP.
Ordre d’allumage 1-4-3-6-5-2
Cylindrée de 1754 cm3 passant à 1911 cm3 obtenue par augmentation de l’alésage et de la course du bloc B10 (72×81,5) comprimé à 8,4 :1. La puissance ressort à 75 chevaux à 4500 tours pour un couple de 14 Mkg à 3400 tours.
Poids du moteur 175 kg, qualités principales : montage très soigné, encombrement réduit ( assez haut mais très court et compact) permettant de produire de nombreuses carrosseries spéciales.
Transmission :
Ensemble boîte-pont avec boîte de vitesses à 4 rapports accolée au pont arrière et embrayage mono-disque à sec devant la boîte pour une bonne répartition des masses.
Châssis :
Le développement de la coque est supervisé par Vittorio Jano et se constitue d’une structure autoporteuse comportant une plate-forme caissonnée renforcée par des longerons et traverses en tôle emboutie. Empattement réduit de 20 cm par rapport à la berline : 2,66m, voies conservées.
La carrosserie est dessinée et développée par Amadeo Piatti qui a travaillé avec Battisto Falchetto, prédécesseur de Jano. L’atelier des tôleries et des prototypes est dirigé par Giuseppe Gariglio et la réalisation technique placée sous la responsabilité de Giacomo Truffa, Luigi Bosco et Giuseppe Cibrario. La voiture est tout d’abord présentée sous forme de berline B10 « Aurelia » (route de Ligurie). La carrosserie n’est plus constituée d’éléments amovibles (les ailes ne sont plus démontables) et forme un tout d’un seul tenant pour renforcer la rigidité.



Le coupé B20 avec pare-brise en une partie et antibrouillards de série aurait été dessiné par Mario Boano, directeur de Ghia. Mais Ghia ne possède pas les infrastructures pour réaliser cette voiture et revend les plans à Lancia, qui les transmet à Pinin Farina capable d’assurer entièrement la fabrication de la voiture.
Suspension avant par roues indépendantes avec piliers coulissants incorporant les amortisseurs et les ressorts. Les piliers servent d’axe de pivot aux roues et sont reliées à la caisse par une traverse supprimant toute variation de chasse et de carrossage, faux essieu, système développé en 1921 pour la Lambda.
Nouvelle suspension arrière par roues indépendantes constituée de piliers coulissants incorporant les amortisseurs à levier (brevet Jano) et de ressorts hélicoïdaux portés par 2 bras triangulaires obliques. Les triangles sont reliés aux roues par des pivots entourés de caoutchouc.
Freins :
Freins à tambours à l’avant et à l’arrière, ceux de l’arrière accolés au pont (in-board).
Commande hydraulique.
Direction :
Vis et galet.
Evolution :
1952 : 2e Série : Taux de compression : 8,8 :1, 80 chevaux à 4700 tours,
Tambours de freins agrandis et élargis.
Suspension abaissée.
Présentation des versions modifiées pour la compétition : carrosserie surbaissée en aluminium, réservoir d’essence supplémentaire à la place de la banquette arrière, moteur préparé, 106 ch@5500.
1953 : 3e Série B20 2500 GT : 2451 cm3 (85,5×78), nouvel arbre à cames avec diagrammes de distribution modifié, 1 carburateur double corps Weber 40, 118 chevaux à 5000 tours, 18,5 Mkg à 3000 tours.
Rapport final allongé.
Arrière remodelé et affiné, remplacement des phares Carello striés pour des optiques lisses.
1954 : 4e Série : Nouvelle suspension arrière à pont de Dion et ressorts à lames inspirée des D20 de compétition.
Nouveau support de plaque d’immatriculation arrière avec mécanisme d’ouverture de malle incorporé, nouvelles poignées de porte par bouton poussoir, nouveau tableau de bord, volant à cerclage noir, vitres teintées




Coussinets Vanderwell en place de régule des bielles (améliore la fiabilité à haut régime).
Freins agrandis.
Couple conique 11/47 en place du 9/38.
Fin 1955 : 5e Série : Nouvel arbre à cames avec profil revu pour favoriser la souplesse, 110 ch, 17,2 Mkg.
Embrayage à commande hydraulique.
Tambours avant agrandis.
2 ouïes d’aération sur la face avant, baguettes chromées, pare-brise et lunette arrière agrandis, feux arrières agrandis.
1957 : 6e série : Carburateur Weber 40 DCZ5, 115 ch.

Suspensions à ressorts renforcés.
Insonorisation plus poussée, vitres de custode avant.
1958 : Voiture encore au catalogue alors que la production à cessé en 1957 (vente des stocks)., remplacement par la Flaminia Coupé.
Participation en compétition :
L’Aurelia est rapidement engagée en course, tout d’abord dans une configuration proche de la série, avec des résultats très probants. 5 voitures sont fabriquées par l’usine avec moteur 2 litres, 4 voitures préparées les 1000 Miglia, 90 ch et 1 pour la Carrera Panaméricaine.
01/04/1951 : Tour de Sicile : 1er, 2e GT plus de 1500 cm3, Castiglioni (« Ippocampo ») – Grolla (berlines B21 pas encore homologuée en Tourisme).
29/04/1951 : 1000 Miglia : Bracco-Maglioli, 2e Gl ; „Ippocampo“-Mori, 5e Gl ; Valenzano-Maggio, 7e Gl.
1951 : 24 Heures du Mans : N°33, Bracco-Lurani, 12e Gl, 1er Cl 1500-2000.
1951 : Carrera Panamericana :
15/07/1951 : Coupe d’Or des Dolomites, Anselmi, 1er Gl ; « Ippocampo », 2e Gl.
12/08/1951 : 6 Heures de Pescara : Bracco, 1er Gl ; Anselmi, 2e Gl ; Valenzano, 3e Gl.
23-26/08/1951 : Stella Alpina : Valenzano, 2e Gl.
30/09/1951 : Etoile de la Neige : « Ippocampo », 1er Gl.
Pour l’année 1952 l’usine fabrique une petite série de voitures allégées à carrosserie aluminium et toit abaissé, sans ouverture de malle arrière est développée par l’usine. Ces voitures ont une partie centrale renforcée pour pallier à la perte de rigidité de la caisse aluminium, des vitres latérales coulissantes en Perspex et un intérieur dépouillé amenant le poids à 900 kg.
Les moteurs sont retravaillés par Nardi pour obtenir 110 chevaux et reçoivent un levier de vitesses au plancher, toujours par Nardi ainsi qu’un différentiel autobloquant et des suspensions abaissées.
7 voitures de ce type sont fabriquées, réservées à des amis personnels de Gianni Lancia.
22-25/02/1952 : Rallye Sestrières : Valenzano, 1er Gl.
09/03/1952 : Tour de Sicile : Bonetto, 2e ; Gl ; Valenzano, 3e Gl.
03-04/05/1952 : 1000 Miglia : N°437, Fagioli, 3e Gl ; Anselmi, 5e Gl ; „Ippocampo“, 6e Gl ; Ammendola, 8e Gl.
06/1952 : 24 Heures du Mans : N°39, Ippocampo“-Valenzano, 6e Gl, 1er Cl ; Bonetti-Anselmi, 8e Gl, 2e Cl.
29/06/1952 : Targa Florio : Bonetto, 1er Gl ; Valenzano, 2e Gl ; Anselmi, 3e Gl.
03/08/1952 : Tour de Calabre : Montovani, 2e Gl.
28-31/08/1952 : Stella Alpina : Rodenghi, 2e Gl.
1953 : 2 voitures coque acier allégée et vitres latérales en perspex.
6 voitures 3e Série, coque acier allégé, pavillon surbaissé, vitres latérales en perspex, moteurs 2451 cm3, 110/118 ch.
1953 : Carrera Panamericana : engagement Bonetto et non usine, versions à compresseur au centre du V (145/150 ch @5800, 890 kg, carrosserie surbaissée en aluminium, bossage de capot) : N°26, Maglioli-Bornigia, 4e Gl ; Bonetto, Ab. (Acc.) ; Cabianca-Menatto, Ab. (moteur) ; Peredo (B20 normale privée), 9e Gl. Groupes « Competizione » avec culasses à arbres à cames en tête (triplé à la Carrera Panamericana 1953, 1er au Championnat du Monde de F1 en 1956, victoires au Liège/Rome/Liège et aux Mille Miles).
12/04/1953 : Tour de Sicile : Valenzano, 2e Gl.
21/05/1953 : Trophée Sarde : Biondetti 3e Gl.
31/05/1953 : Coupe de Toscane : Biondetti, 1er Gl ; Valenzano, 2e Gl ; Piodi, 3e Gl.
28/06/1953 : Tour de l’Ombrie : Piodi, 2eGl ; Valenzano, 3e Gl.
05/07/1953 : Coupe de la Consuma : Piodi, 3e Gl.
05/07/1953 : Cc Bolzano-Mendola : Valenzano, 2e Gl ; Ammendola, 3e Gl.
26/07/1953 : Cc Aoste-Grand Saint Bernard : Piodi, 2e Gl ; Palmeri, 3e Gl.
19-23/08/1953 : Liège-Rome-Liège : Claes-Traesenster, 1er Gl.
13/09/1953 : Etoile des Alpes : Ammendola, 1er Gl ; Anselmi, 2e Gl ; Valenzano, 3e Gl.
13/09/1953 : Coupe Inter Europa (Monza) : Manzon, 2e Gl ; Castellotti, 3e Gl.
18-25/01/1954 : Rallye de Monte-Carlo : Chiron-Basadonna, 1er Gl.
21-25/02/1954 : Rallye de Sestrières : Valenzano-Sposetti, 1er Gl,
11/05/1954 : Coupe de Toscane : Piodi, 3e Gl.
16/05/1954 : 6 Heures de Bari : Ribaldi-Basini, 1er Gl ; Mancini-Mancini, 3e Gl.
18-23/08/1954 : Liège-Rome-Liège : Gendebien-Fraikin, 2e Gl.
11/09/1954 : Coppa Inter Europa (Monza) : Valenzano, 3e Gl.
25/02-01/03/1955 : Rallye de Sestrières : Gata-Massonis, 1er Gl.
24/05/1955 : Cc Trento Bondone : M. Lubich, 1er Gl ; E. Lubich, 2e Gl ; 3e Gl, Bucella, 3e Gl.
17-22/08/1955 : Liège-Rome-Liège : Claes-Bianchi, 3e Gl.
28/08/1955 : Stella Alpina : Gatta, 3e Gl.
11/09/1955 : Coppa Inter Europa (Monza) : Gatta, 3e Gl.
20/06/1956 : Cc Biella-Oropa : Bracco, 1er Gl.
04/1958 : Rallye de l’Acropole : Villoresi-Basadonna, 1er Gl.